Ce qui nous frappe tout de suite dans ce récit, c’est la foi et la détermination du lépreux. Il se jette aux pieds de Jésus et le supplie : Si tu le veux, tu peux me purifier. Il ne doute pas que Jésus puisse le délivrer de sa lèpre. En bon croyant, il ne demande même pas sa guérison, mais sa purification, car on croyait alors que la lèpre était le châtiment divin d’un péché grave et rendait impur celui qui en était frappé. Sa foi lui donne le courage de se mélanger à la foule et de s’approcher de Jésus, alors que selon la Loi, les lépreux devaient se tenir à l’écart, habiter hors des villages où il leur était interdit d’entrer et si quelqu’un s’approchait d’eux sur le chemin, ils devaient l’avertir de s’écarter en criant : impur ! impur ! Jésus, bouleversé de voir ce malheureux qui le supplie à genoux, étendit la main, le toucha et lui dit je le veux, sois purifié. Non seulement Jésus l’a laissé approcher sans lui faire de reproches, mais il l’a touché, ce qui était formellement interdit. Personne n’a songé à protester. Tout le monde était fasciné de voir le lépreux soudainement guéri.
Mais alors que jusqu’ici Jésus avait eu envers le lépreux une attitude bienveillante, il va maintenant se montrer brusque Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt (et le mot grec employé ici signifie il le chassa) va te montrer aux prêtres, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit. Pourquoi se montrer aux prêtres ? Parce que les prêtres exerçaient la fonction d’officiers de santé, eux seuls pouvaient attester officiellement de la guérison des lépreux et les autoriser à reprendre une vie normale dans la société. Mais pourquoi le Seigneur chasse-t-il le lépreux en lui demandant de ne rien dire à personne ? C’est que le peuple avait du Messie et de sa mission une conception quasi mythique. On pensait que le Messie mettrait fin à l’occupation romaine et restaurerait la royauté d’Israël, qu’il ferait disparaître de la terre tous les maux, (famine, maladies, mort) et qu’il restaurerait le paradis terrestre. Jésus ne veut pas qu’on ait cette vision de sa personne et de sa mission. Il ne veut pas être pris pour un guérisseur. C’est pourquoi Jésus renvoie le lépreux en lui demandant de ne rien dire à personne.
Et pourquoi le Seigneur ajoute-t-il : cela sera pour les gens un témoignage. Témoignage de quoi ? Témoignage de la présence agissante de Dieu. Car on pensait la guérison de la lèpre était réservée à Dieu seul. Lui qui l’avait envoyée comme un châtiment, était le seul à pouvoir en délivrer. Donc, quand Jésus renvoie le lépreux en lui disant ce sera pour eux un témoignage, cela veut dire : maintenant, va t’en ; te voir guéri sera pour les gens un témoignage, une preuve, que le Messie est arrivé au milieu d’eux.
Une fois encore, dans ce récit de guérison, l’attitude de Jésus nous étonne. Pourquoi chez lui ce parti-pris constant envers les pauvres, les pécheurs, les malades, les malheureux, les exclus ? Pourquoi se laisse-t-il approcher par un lépreux rejeté par tous, exclu de la société ? Sa maladie, repoussante, faisait fuir et en plus, on se demandait quel horrible forfait il avait pu commettre pour que Dieu l’ait frappé ainsi. Jésus lui, saisi de compassion, viole les interdits, ose affronter les regards hostiles et la désapprobation de tous, il accueille ce lépreux, allant jusqu’à le toucher et le guérit. Nous avons du mal à saisir tout le poids de ses paroles quand il nous dit : je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu (Luc 19,10). Nous avons du mal à comprendre que notre Dieu est un Dieu aimant. La préoccupation de ceux qui vont mal ne le quitte pas et il est toujours en train de chercher à leur venir en aide : Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied, mais celui vers lequel je jette les yeux est le pauvre et le cœur contrit nous disait -il déjà dans Isaïe (66,1).
Tout cela nous invite à nous interroger sur notre comportement envers les malades, surtout aujourd’hui en ce dimanche de la santé. Si nous voulons être chrétiens il faut nous comporter envers les malheureux et les malades comme le Christ. Où en sommes-nous ? En allant visiter et porter la communion aux personnes âgées, isolées et malades de la paroisse, j’ai pu me rendre compte qu’elles n’étaient pas abandonnées. Tant mieux ; mais soyons attentifs. Est-ce que nous en faisons assez ? Est-ce que nous n’oublions personne ? Peut-être que nous pourrions prier davantage pour eux ou avec eux. Est-ce que nous pensons à leur rendre visite de temps en temps ?
Et puis pensons à toutes les personnes : médecins, infirmiers, infirmières, et autres personnels de santé qui se dévouent auprès des malades dans des conditions pas toujours idéales. Vous avez sûrement remarqué, comme moi, que lors des grèves récentes les infirmiers et infirmières ne revendiquaient pas seulement des augmentations de salaire ou des aménagements du temps de travail, mais ils demandaient aussi de pouvoir passer davantage de temps aux côtés des malades, pour parler avec eux et les accompagner dans leurs souffrances Nous avons la chance en France, même si tout n’est pas parfait, d’avoir à peu près partout des médecins compétents, des hôpitaux bien équipés, des médicaments, et un système de sécurité sociale qu’on nous envie à l’étranger. Nous ne réalisons pas les chances que nous avons. Ce dimanche de la santé nous rappelle, si nous l’avions oublié, le devoir qui est le nôtre de prier pour tous ceux qui oeuvrent dans les services de santé … et de leur manifester notre estime et notre reconnaissance, lorsque nous avons recours à leur dévouement.
Mais que notre reconnaissance aille aussi et d’abord au Seigneur. Nous sommes bouleversés en voyant dans l’évangile le Christ approcher le lépreux, le toucher et le guérir. Eh bien aujourd’hui encore, toujours pas rebuté par la lèpre du péché qui nous contamine, le Seigneur étend la main, touche les lépreux que nous sommes et nous rend capables de faire le bien. Prenons le temps de regarder les merveilles que réalisent les docteurs, les chirurgiens, les ingénieurs, grâce aux talents que le Seigneur leur a donnés. Prenons le temps de chercher à reconnaître la présence du Seigneur et l’action de sa main bien-faisante, qui fait le bien dans nos cœurs et dans nos vies. Et aujourd’hui dans notre messe, présentons tout cela au Seigneur avec reconnaissance.
Que retenir de tout cela ?
D’abord la foi et la confiance du lépreux qui ose s’approcher de Jésus et lui demander sa guérison. Le Seigneur n’impose pas ses bienfaits. Dans la délicatesse de son amour, Il veut que nous nous approchions de lui qui s’approche de nous, pour lui demander avec confiance ce qu’ il s’apprête déjà à nous donner.
Aujourd’hui encore, le Seigneur, toujours pas rebuté par la lèpre du péché qui nous contamine, continue à s’approcher de nous Tâchons de ne pas freiner l’action de sa main bien-faisante qui délivrant nos cœurs de tout mal nous rend capables de mettre un peu plus de paix , de justice et de charité dans notre monde.