Dimanche  1  Octobre  2023       Beaucamps

             

Jésus s’adresse  aux grands prêtres et aux anciens du peuple qui lui sont franchement hostiles. Ils viennent de l’interpeller sèchement, essayant de le faire taire : En vertu de quelle autorité parles-tu ? Et  qui t’a donné cette autorité ? (Mt.21,23) Ils savent bien que Jésus n’a fréquenté aucune école rabbinique et puis, ils sont vexés de voir la foule préférer son enseignement au leur et de voir leur prestige s’effondrer tandis que la renommée de Jésus s’accroît de jour en jour. Ils se croient justes et supérieurs aux autres parce qu’ils respectent scrupuleusement la Loi et ont toujours des paroles pieuses à la bouche. Le Seigneur va les remettre en place à travers la parabole des deux fils envoyés à la vigne où l’on voit que pour être un bon fils, les belles paroles ne suffisent pas, il faut faire la volonté de son père. Dans la parabole, le véritable bon fils c’est celui qui va travailler à la vigne, comme le lui demande son père, même s’il a commencé par dire : non, je n’irai pas.

Il y a là pour nous un double enseignement. D’abord il ne suffit pas de dire, il faut faire : Ce n’est pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. (Mt 7,21)   Ensuite, deuxième enseignement : attention ! il y a de mauvais fils qui se convertissent et deviennent de bons fils. Donc ne nous estimons pas trop vite être des justes, supérieurs aux autres. Parce que ces « autres » peuvent se convertir et devenir meilleurs que nous ! Souvenons-nous du bon larron, le champion des ouvriers de la onzième heure ! Jésus a cette parole cinglante pour les prêtres, les anciens du peuple et tous ceux qui baignent dans le même orgueil : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume des cieux, parce qu’ils se sont repentis. Voilà qui doit nous faire réfléchir. Est-ce que nous ne serions pas quelquefois un peu trop sûrs de nous à la manière de ces grands prêtres et de ces anciens que le Christ remet en place ? Mais surtout l’évangile d’aujourd’hui nous amène à nous demander : est-ce -ce que je suis comme le bon fils qui va travailler à la vigne ou est-ce que je suis comme le mauvais fils qui n’y va pas ?

Difficile de répondre à cette question. Il y a des moments où je me comporte comme le bon fils de l’évangile, c’est vrai, je puis le dire sans tricher. Mais parfois aussi je n’en fais qu’à ma tête, je ne veux pas faire ce que le Seigneur me demande parce que cela me dérange. Si bien que finalement, je ne suis ni un bon ni un mauvais fils, je suis quelque part entre les deux. Je veux être un bon fils. Je voudrais faire la volonté de Dieu parce que je crois que Dieu est un Père qui m’aime et veut ce qu’il y a de mieux pour moi. Mais je n’y arrive pas. Je suis comme St Paul qui disait : Je ne fais pas le bien que j’aime et je fais le mal que je n’aime pas. (Rom.7,19) Tantôt je m’écoute, tantôt j’écoute la voix du Seigneur. Tantôt je m’écoute, c’est-à-dire que je me fais passer avant Dieu. Ce qui l’emporte, c’est moi, ce que j’aime, ce que je veux, ce qui me tente, sans tenir compte de Dieu ni de sa volonté. Tantôt j’écoute la voix du Seigneur, je le fais passer avant moi. C’est comme un appel qui m’embête, qui me gêne, qui contrarie mes désirs et mes projets, mais je ne peux pas m’empêcher d’être quand même attiré par lui. Jérémie est passé par là avant nous. Comme Yahvé l’envoyait annoncer des prophéties de malheur, les gens se moquaient de lui et le rejetaient avec véhémence et il reconnaît : La parole de Dieu a été pour moi opprobre et raillerie tous les jours, je me disais je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom ; alors c’était en mon cœur comme un feu dévorant, je m’épuisais à le contenir mais je n’ai pas pu …Tu m’as séduit, Yahvé et je me suis laissé séduire (Jr 20,9 ) L’appel de Dieu persiste.  Malgré nos efforts pour ne pas l’entendre, nous n’arrivons pas à le faire taire. Nous sommes toujours en train de lutter, essayant de repousser nos projets égoïstes et mesquins pour faire place aux projets de Dieu sur nous, dont nous savons bien qu’ils sont meilleurs, mais nous n’arrivons pas toujours à leur donner la première place. Parfois même nous perdons pied, nous nous laissons aller. Et puis nous nous reprenons. Et plus d’une fois nous sommes tentés de céder au découragement et de tout laisser tomber.

Ce serait d’autant plus dommage que, en dépit des apparences, nous sommes sur la bonne voie. Nous essayons de nous renoncer, de renoncer à notre volonté pour faire celle du Seigneur. C’est parfait ! Nous   sommes  sur le chemin que le Seigneur nous prescrit de suivre quand il nous dit  Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive (Mc 8,34 ) Et ce chemin est le seul qui puisse nous mener à la vie pleine, épanouie, à la vie en abondance que le Seigneur veut nous donner. Mais on n’y arrive pas tout de suite. Et nous avons du mal à accepter d’avoir à marcher longtemps avant d’arriver au but Pour le moment le Seigneur nous appelle à travailler à sa vigne, et non pas à nous régaler de délicieux raisins. Avant  la vendange, il y a des mois et des mois de travail pénible, préparer la terre, mettre du fumier, arroser, planter les pieds de vigne, tailler les sarments, passer des heures et des heures courbés sous le soleil ou trempés par la pluie. Il serait stupide de se décourager et de tout plaquer parce qu’au moment où on plante il n’y a pas encore une seule grappe mure ! Pour le moment nous sommes appelés à travailler pour mettre plus de justice, de paix, de charité autour de nous. Mettons y tout notre cœur, sans nous décourager, même si la violence, les injustices et la haine n’ont pas complètement disparus de notre monde. Et sachons voir aussi les résultats que déjà nos efforts ont   produit. Sachons voir dans notre monde les fruits de vingt siècles de christianisme. L’Occident n’est peut-être pas aussi déchristianisé qu’on le dit. Les lois sociales, le souci des pauvres et des déshérités, la solidarité avec les minorités persécutées, l’attention portée aux enfants et aux plus faibles, le respect de la femme, est-ce que ce ne sont pas des conséquences de l’esprit chrétien  présent même chez un tas de gens qui ne mettent pas les pieds à l’église ?

Que retenir de tout cela ?

Trois choses. 1°) il ne suffit pas de dire, il faut faire. Le bon fils ce n’est pas celui qui dit qu’il va faire ce que lui demande son père, mais celui qui fait ce que lui demande son père et va travailler à la vigne. Ce n’est pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. (Mt.7,21)

2°) Ne croyons jamais être supérieurs aux autres. Il arrive que même les pires se convertissent et nous dépassent, comme le bon larron, ce champion des ouvriers de la onzième heure, qui double tout le monde et arrive en tête à la porte du paradis.

3°) Nous sommes appelés à travailler à la vigne. Le temps de la vendange n’est pas encore arrivé. Pour le moment il faut travailler dur, par tous les temps, c’est-à-dire nous efforcer chaque jour de repousser nos désirs et nos projets pour faire passer en premier ceux du Seigneur. La vie chrétienne, ce n’est pas confortable, on n’a jamais fini de faire des efforts. Mais il ne faut pas dramatiser, le Seigneur veut le mieux pour nous. Renoncer au moins bien  pour choisir le mieux, cela n’est pas dramatique.