Christ Roi de l’univers, 24 novembre 2024

(Daniel 7,13-14)  (Apoc.1,5-8)  (Jean 18,30b-37)

Pilate interroge directement Jésus : Es-tu le roi des Juifs ? Il voudrait y voir clair. Il sait que les Juifs attendaient un Messie qui restaurerait la souveraineté d’Israël en chassant le colonisateur romain. Il est donc inquiet. Il veut clarifier la situation. Jésus aussi. C’est pourquoi il demande à Pilate si c’est lui qui le traite de roi ou si c’est la foule. Pilate se défend : Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et tes grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait de mal ? Autrement dit : moi je ne comprends rien à vos histoires de Juifs, ce que je veux savoir, c’est ce qu’on te reproche. Jésus ne répond pas à cette dernière interrogation de Pilate mais revient sur la question de la royauté : ma royauté n’est pas de ce monde. Attention, cela ne veut pas dire qu’il faut la reléguer dans un domaine supraterrestre, en dehors de ce monde. Si on regarde de près le texte grec de l’évangile on voit que le Christ dit :  ma royauté ne vient pas de ce monde : è basileia è émè ouk estin ek tou kosmou toutou mais il ne dit pas : ma royauté ne s’exerce pas dans ce monde. Et il continue en expliquant : si ma royauté était de l’espèce des royautés qui viennent de ce monde mes troupes se seraient battues pour que je ne sois pas arrêté, avant de répéter une deuxième fois : ma royauté ne vient pas d’ici.

Les royautés qui viennent d’ici, c’est quoi ? Ce sont des royautés reposant sur un pouvoir politique, sur la puissance des richesses ou sur la force des armes. Le royaume du Christ ne repose pas sur de telles bases d’ordre terrestre. Mais comment peut-on encore lui donner le titre de roi si son pouvoir royal ne repose  ni sur le pouvoir politique, ni sur la puissance militaire ni sur le prestige de richesses comme le pouvoir de tous les rois que nous connaissons. Pourquoi lui donner encore  le titre de Roi ? Pour deux raisons : en tant que Créateur et en tant que Rédempteur.

En tant que Créateur, maître de l’univers, on peut légitimement le considérer comme Roi. Encore faut-il bien voir que cette création n’est pas une manifestation de puissance. S’il a tout créé, alors qu’il n’avait besoin de rien ni de personne, c’est parce que, poussé par son amour,  il a voulu partager avec nous sa vie et son bonheur. Sa création est donc une manifestation d’amour. Le Christ n’est donc pas Roi en tant que créateur tout puissant, il est Roi en tant que Créateur par la toute-puissance de son amour.

Mais surtout on peut donner au Christ le titre de Roi en tant que Rédempteur. Et là encore, si par sa passion et sa résurrection, il nous a rachetés et a vaincu le mal, le péché et la mort, ce n’est pas en vertu de sa toute-puissance, mais par la toute-puissance de son amour. En effet pourquoi a-t-il voulu nous racheter ? Il n’avait pas besoin de nous. Si par le péché, nous étions séparés de lui, lui n’y perdait rien, et pour nous eh bien  tant pis ! Mais dans son amour, il n’a pas voulu que nous restions séparés de lui, il a voulu que nous puissions partager sa vie et son bonheur. C’est par amour pour nous qu’il s’est livré à ses ennemis. Déjà vainqueur du mal et du péché par sa mort sur la croix, sa résurrection au matin de Pâques manifestera son triomphe sur la mort. Un tel triomphe du Rédempteur sur le mal, le péché et la mort légitime son titre de Roi. Sa  royauté, il ne l’a pas conquise à coups de canons ni à coups de dollars mais à coups d’amour, si j’ose dire.  


Mais si la royauté du Christ, ne repose  pas comme les royautés que nous connaissons  sur des fondements terrestres : un  pouvoir politique, une force militaire ou  une puissance financière, néanmoins elle s’exerce quand même, comme toute autre royauté, dans le quotidien de la vie d’ici-bas et il explique à Pilate que sa tâche de roi consiste à rendre témoignage à la vérité. Qu’est-ce que ça veut dire ? De quelle vérité  et de quel témoignage s’agit-il ?  

Dans le langage courant, la vérité, c’est ce qui est conforme au réel. La vérité se dit dans des paroles qui expriment elles-mêmes des idées qui correspondent à la réalité. La vérité, c’est un contenu intellectuel. Dans la Bible, la vérité, c’est ce qu’on expérimente comme solide, sûr, digne de confiance, sur quoi on peut s’appuyer, c’est-à-dire Dieu, la fidélité de son amour, La vérité, dans la Bible, ce n’est donc pas une somme de connaissances à conquérir par un effort de penséec’est une manière de vivre en communion avec ce qu’on expérimente comme solide, sûr, digne de confiance, c’est-à-dire avec Dieu et la fidélité de son alliance avec nous dans l’amour.

Et quand le Christ dit Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité, cela veut dire qu’il est venu exposer par toute sa vie, son enseignement et ses miracles qui est Dieu, quelle est sa sagesse, sa justice, comment est son amour dans une fidélité qui ne vacille jamais. Qui est Dieu, comment Dieu est, cela nous dépasse tellement, qu’il n’arrive même pas à nous le faire comprendre mais il promet d’envoyer son Esprit qui nous fera accéder à la vérité tout entière. (Jean 16,13) Mais cette vérité encore une fois, n’est pas un savoir pour l’intelligence c’est une parole de vie, une parole à vivre. Déjà dans l’Ancien Testament, le psalmiste lorsqu’il prie ne dit pas : Fais moi comprendre et je saurai, il dit Fais moi comprendre et je vivrai (Ps.118,144)

Dire que le Christ est Roi et que sa royauté est fondée sur l’amour, qu’est-ce que ça change pour  nous ? Dire que la royauté du Christ est fondée sur l’amour, c’est dire aussi qu’elle est fondée sur le service. Car l’amour n’est pas un sentiment agréable niché dans le fond du cœur et dont il n’y aurait  plus qu’à jouir confortablement. L’amour s’exerce toujours dans le service de ceux qu’on aime, dans la peine qu’on prend pour ceux qu’on aime et cela peut aller jusqu’au sacrifice suprême, le Christ en sait quelque chose. Or depuis notre baptême, greffés sur le Christ, nous sommes aussi greffés sur cette royauté qui s’exerce dans le service et le don de soi. Cela veut dire que si nous sommes chrétiens, notre vie doit être une vie de service et de don de soi. St Jean nous prévient dans sa première épître : Celui qui prétend demeurer en lui doit se conduire comme lui-même s’est conduit. (1 Jean 2,6) Lui Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères. (1 Jean 3,16) cela ne veut pas dire que nous sommes tous destinés à mourir en croix ou promis à des sacrifices héroïques et spectaculaires, mais cela veut dire que notre vie doit être une vie de service, chaque jours, dans la banalité du quotidien, que ce soit pour passer la nuit au chevet d’un enfant malade ou pour passer le sel à son voisin de table, ne perdant jamais de vue que ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait. (Mt.25,40)

Que retenir de tout cela ?

Le Christ est Roi et plus que n’importe que roi de la terre, en tant que maître de l’univers qu’il a créé non pas pour donner un peu d’exercice à sa toute-puissance, comme un athlète ferait jouer ses muscles, mais parce que, poussé par son amour, il a voulu partager avec nous sa vie et son bonheur.

Il est Roi plus que n’importe quel roi de la terre parce qu’à travers sa Passion et sa Résurrection, son amour a triomphé du mal, du péché et de la mort, en même temps qu’il nous a réconciliés avec le Père. Sa royauté, il ne l’a pas conquise à coups de canon ou à coups de dollars, mais par la puissance de son amour dont rien ne peut venir à bout. C’est une royauté d’amour qui s’exerce dans le service et le don de soi ;

Et nous, greffés sur le Christ par notre baptême nous partageons sa royauté c’est-à-dire le devoir de service et de don de soi par lesquels s’exerce la royauté de ce roi dont le sceptre est la croix et la politique, le lavement des pieds, la réconciliation  avec le Père dont personne n’est exclu.

En découvrant l’infinie générosité de Dieu, tout ce qu’il a fait et continue de faire pour nous, naturellement s’éveille en nous un sentiment de reconnaissance qui nous fait aimer Dieu en retour.

Plus besoin d’explications, plus besoin d’ordre ni de commandement. La reconnaissance nous amène à l’aimer. Cela va de soi. On ne peut pas faire autrement. Non seulement il nous donne la vie et l’univers qu’il nous confie, mais il veut partager avec nous tout ce qu’il est et tout ce qu’il a. Il nous montre par là ce que c’est qu’aimer quelqu’un : ce n’est pas seulement être attiré par lui  et jouir de ses qualités, (même si cela commence par là), c’est surtout le faire être, tout faire pour qu’il soit heureux et trouver sa joie et son bonheur jusque dans la peine qu’on se donne pour lui. Comme dit l’adage bien connu : Quand on aime, il n’y a pas de peine, et s’il y a de la peine, c’est une peine qu’on aime. Donc, pour nous, aimer Dieu, ce n’est pas seulement jouir, profiter de ses bontés, c’est aussi tout faire pour que sa volonté soit faite et que son règne advienne sur toute la terre.

Mais le Christ ajoute au premier commandement d’aimer Dieu, le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même et il précise :  il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. Impossible de séparer ces deux commandements. Comme Dieu aime tous les hommes sans exclure personne, si je prétends aimer Dieu, il faut aussi que comme lui, j’aime mon prochain, sans exclure personne. D’ailleurs le Christ le demande: Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. (Jean 15,12) Comment nous aimait-il ? Il n’excluait personne, mais il n’aimait pas forcément tout le monde de la même manière. Il avait des préférences. L’évangile nous parle de Jean comme du disciple que Jésus aimait (Jean 13,23) il est donc normal et légitime d’aimer davantage ceux qui nous sont proches ou ceux dont nous apprécions les qualités que les habitants de Tokyo ou de Vladivostok dont nous ignorons tout ! Mais nous devons avoir envers tous les hommes, comme le Seigneur, ce parti pris de vouloir les faire être, de vouloir leur bien, leur prospérité, leur bonheur.

Les vraies difficultés commencent avec ceux qui ne nous sont pas sympathiques ou pire encore les malfaiteurs caractérisés, voleurs ou assassins. Le Seigneur est mort pour eux aussi, nous ne pouvons pas les exclure. Comment pouvait-il les aimer ? Il ne les aimait pas pour le mal qu’ils avaient commis mais parce que tout pécheurs qu’ils étaient, il les voyait comme encore capables de se repentir un jour… Cela ne veut pas dire que sous prétexte de charité chrétienne je dois faire confiance aux escrocs et confier la garde de mes enfants à mon voisin qui est pédophile quand je vais faire mes courses. Cela veut dire que, comme le Christ nous ne devons jamais juger quelqu’un comme définitivement mauvais et le rejeter, mais nous devons le regarder comme un malheureux toujours capable de revenir vers le bien. Comme le Christ nous devons toujours être à l’affût du moindre signe de repentir chez lui pour l’accueillir comme il a fait avec le bon larron.

Par la manière dont Dieu nous aime, il nous apprend qu’aimer quelqu’un, ce n’est pas seulement jouir des qualités qui nous attirent chez lui, c’est aussi tout faire pour le rendre heureux et trouver joie et bonheur dans la peine qu’on se donne pour lui.

Pourquoi aimer Dieu ?  Parce qu’il ne se dresse pas devant nous comme une Toute Puissance redoutable qui garderait ses distances avec nous, mais comme un Dieu-Amour qui dans la toute puissance de son amour nous regarde comme ses enfants avec qui il veut partager tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. Nous lui devons tout : la vie, toutes nos qualités et nos talents, l’univers qui nous entoure avec toutes ses merveilles. Même lorsque nous nous rebellons contre lui, il nous pardonne et persiste à vouloir nous rendre semblables à lui. C’est pourquoi, avant même d’être un commandement, aimer Dieu c’est un devoir de reconnaissance, nous ne pouvons pas faire autrement.

Pourquoi aimer les autres ? Parce que le Seigneur les aime, tous, sans exclure personne, même les pécheurs et les mauvais que le Seigneur regarde comme toujours capables de revenir vers le bien. Si nous avons du mal à y parvenir, rappelons nous que le premier dont nous nous sommes sûrs qu’il est au ciel c’est un gangster. Le Seigneur lui a donné sa parole : Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. (Luc 23,43).

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