homélie

Dimanche 17 avril 2022

Solennité de Pâques – Luc 24,1-12

Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font

Joie et soulagement. Tels sont nos sentiments en ce matin de Pâques. Joie parce que le Christ est ressuscité. Il nous était insupportable de penser à toutes les souffrances de sa Passion et de sa mort sur la croix, d’autant plus que nous avons une part de responsabilité dans ce qui est arrivé. C’est insupportable pour nous de voir un juste persécuté ou des innocents massacrés. Aujourd’hui le sort de millions d’Ukrainiens victimes d’une guerre injustifiable, des ethnies pourchassés en Chine, en Ethiopie et ailleurs, ou encore le sort des opposants opprimés en Russie et ailleurs nous indigne. A plus forte raison, le Christ, lui qui est passé en faisant le bien, soulageant les misères physiques aussi bien que morales, plein de miséricorde envers n’importe quel pécheur dévoyé, que ce soit un fonctionnaire douteux comme Zachée ou une malheureuse femme adultère, lui qui est allé jusqu’à prier pour ses bourreaux Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font (Luc 23,34 ), sa passion et sa mort sur la croix nous sont absolument insupportables. Nous sommes heureux et soulagés de le voir ressuscité dans ce matin de Pâques, victorieux et triomphant de l’injustice, du péché, du mal et de la mort.

Mais cette résurrection du Christ n’est pas une sorte de « happy end », ce n’est pas une histoire qui finit bien, marquant la fin de la mission du Seigneur sur la terre et la réconciliation des pécheurs avec le Père, c’est le début d’une ère nouvelle, car le triomphe absolu du Christ ressuscité dépasse sa seule personne et déborde sur toute l’humanité. Ce Jésus Christ ressuscité, c’est Jésus Christ vrai Dieu et vrai homme. En Jésus Christ ressuscité, ce n’est pas seulement la divinité qui est ressuscitée. Son humanité aussi est ressuscitée, une humanité entièrement semblable à la nôtre. Donc en Jésus Christ ressuscité vrai Dieu mais aussi vrai homme comme nous, le premier homme comme nous est ressuscité. Cela veut dire que la résurrection du Christ transforme et bouleverse le destin de tous les hommes. Il est arrivé quelque chose à la mort, on n’en meurt plus.La résurrection du Christ n’est pas une histoire individuelle qui ne concerne que lui, elle est la source et le gage de notre résurrection à venir, comme il l’affirme plusieurs fois solennellement dans l’évangile Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. (Jean 11,25,26) Je veux que là où je suis ils soient eux aussi avec moi. (Jean 17,24).

Mais notre résurrection à venir reste quelque chose de bien mystérieux. Toutefois l’évangile nous apporte trois indications sures. D’abord il nous dit qu’après la mort nous allons ressusciter comme le Christ, donc pour une vie éternelle, qui ne finit pas, et non pas pour une simple prolongation de notre vie terrestre, comme ce fut le cas pour Lazare ou la fille de Jaïre, qui après avoir été ressuscités moururent de nouveau.

Ensuite et c’est la deuxième indication que nous donne l’évangile sur notre résurrection : comme le Christ, nous ressusciterons avec notre corps. Car le Christ ressuscite avec son corps ses disciples ont pu le voir de leurs yeux et le toucher de leurs mains. Donc nous aussi, comme le Christ, nous ressusciterons avec notre corps.

Mais et c’est la troisième indication, le corps du Christ ressuscité est un corps nouveau, pas tout à fait semblable à son corps d’avant la passion. Lors des apparitions, il apparaît et disparaît subitement dans la salle où se trouvent les apôtres sans ouvrir ni fermer la porte. C’est pourquoi on dit que le corps du Christ ressuscité est un corps spirituel. Lors de notre résurrection, nous aurons ce genre de corps, un corps spirituel comme le corps du Christ ressuscité.

Nous avons du mal à y croire. Nous ne valons guère mieux que les apôtres qui ont eu bien du mal à croire à la résurrection du Seigneur. Il a fallu qu’ils le voient de leurs yeux, qu’ils le touchent de leurs mains, qu’ils mangent et boivent avec lui autour de la même table pour qu’ils soient convaincus. Et nous avons encore plus de mal à croire en notre résurrection. C’est vrai que tout n’est pas clair. Bien des questions demeurent : quelqu’un qui est mort à 80 ans mais qui avait perdu une jambe après un accident de voiture à l’âge de cinquante ans va-t-il ressusciter avec une jambe ou avec deux jambes ? Nous n’en savons rien !!! Restons en aux certitudes que nous donne l’évangile. Nous ressusciterons pour une vie éternelle avec un corps nouveau.Et pour le reste nous aurons la surprise de le découvrir lorsque nous y serons !!!

Mais ce n’est pas seulement après la mort que nous tirons parti, si j’ose dire, de la résurrection du Christ. Dès le jour de notre baptême la vie du Christ que nous recevons, c’est la vie du Christ ressuscité, ce n’est pas la vie du petit Jésus, ni la vie du Christ parcourant la Palestine en prêchant l’évangile. Par conséquent, dès maintenant nous sommes greffés sur cette vie nouvelle du Christ ressuscité, vainqueur du mal, du péché et de la mort. Nous devrions toujours garder cela présent à l’esprit. Cela nous donnerait plus d’audace et de courage pour lutter contre le mal et la tentation.

Que retenir de tout cela ? 

C’est une grande joie et un grand soulagement pour nous de célébrer aujourd’hui la résurrection de NSJC. D’autant plus que nous avons une part de responsabilité dans les souffrances qu’il a endurées dans sa Passion et sa mort sur la Croix. Tout cela est arrivé à cause de nos péchés. Aussi, sa Résurrection recouvre d’une joie infinie la tristesse amère et le remords lancinant où sa Passion et sa mort nous avait plongés.

Mais ce triomphe du Christ n’est pas une sorte de happy end. C’est le début d’une ère nouvelle pour l’humanité. Car la résurrection du Christ dépasse sa seule personne. Le Christ ressuscité nous entraîne dans sa résurrection. Le Christ ressuscité vrai Dieu et vrai homme est le premier homme comme nous qui soit ressuscité. Il est arrivé quelque chose à la mort, on n’en meurt plus. C’est sa volonté que tous ceux qui croient en lui, même s’ils meurent, vivent auprès de lui, là où il est, dans l’éternité. Donc nous ressusciterons comme le Christ c’est à dire pour une vie éternelle avec notre corps mais un corps nouveau.

Mais ce n’est pas seulement après notre mort que nous sommes rattrapés par la résurrection du Christ. Depuis le jour de notre baptême, nous sommes greffés sur la vie nouvelle du Christ ressuscité vainqueur du mal, du péché et de la mort. Il est avec nous au long de nos journées et nous pouvons compter sur la force du Christ vainqueur du mal, du péché et de la mort dans les épreuves et les tentations qui jalonnent notre route. Nous avons donc d’excellentes raisons en ce jour de Pâques pour chanter Alleluia !!! Mais nous ne pouvons pas en rester à applaudir Dieu sans rien faire. Mettons tout en œuvre pour développer et faire croître cette vie nouvelle non seulement en pensant à nous mais aussi avec le souci de tous ceux qui, autour de nous, trop éprouvés par la vie, n’arrivent plus à croire en la résurrection. Tout cela leur paraît trop beau pour être vrai. Qu’ils soient présents à notre prière tous ces nouveaux disciples d’Emmaüs qui avancent accablés sur le chemin, ayant perdu toute espérance. C’est dans cet esprit que nous renouvellerons maintenant les engagements de notre baptême.

Vendredi 15 avril 2022

Vendredi Saint – Passion (Jean,18,1-19,42)

Elle est venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié.

Nous venons d’entendre, le coeur serré, ce récit de la Passion de NS. Tant de méchanceté, d’injustice, de haine, c’est insoutenable. Et nous sommes d’autant plus accablés que nous sommes en partie responsables de ces horreurs puisque c’est à cause de nos péchés à nous, que le Christ a souffert tout cela. Aussi, à une infinie tristesse s’ajoute une immense honte. Lui qui nous a tant aimés. Comment a-t-on pu en arriver là ? Et que faire maintenant ? On comprend que Judas soit allé se pendre.

Pourtant, si nous en restons là, la pleine réalité de la Passion nous échappe. Car la Passion de NS ce n’est pas seulement les souffrances terribles qu’il a supportées et dont nous ressentons l’horreur. La Passion du Seigneur c’est aussi et surtout une manifestation de sa gloire ainsi qu’il le dit lui même lorsque parlant à ses apôtres de sa passion et de sa mort imminentes, il a cette parole surprenante : Elle est venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. (Jean 10,10) Et juste après que Judas fut sorti pour aller le livrer, il ajoute : Maintenant le Fils de l’homme est glorifié et Dieu a été glorifié par lui. (Jean 13,32)

Dans sa passion et sa mort sur la croix le Christ apparaît bien comme vaincu. Alors, comment peut-on dire que la Passion et la mort du Christ révèlent sa gloire ? D’abord, il faut bien voir que ce ne sont pas ses ennemis qui se sont emparés de lui, c’est lui qui s’est livré, il a voulu donner sa vie pour nous, ainsi qu’il l’a dit aux apôtres le soir du Jeudi Saint : Ma vie, personne ne me l’enlève, mais c’est moi qui m’en dessaisis. (Jean 10,10) Quand il est monté à Jérusalem, il savait ce qui l’attendait. Par trois fois il avait annoncé aux apôtres sa passion et sa mort. Pourquoi a-t-il voulu souffrir sa passion ? Fallait- il qu’il souffrit sa passion pour nous racheter, pour obtenir le pardon des péchés qui nous coupaient du Père ? Absolument pas. Il aurait pu procéder autrement, faire une proclamation officielle ou même envoyer un prophète annoncer « A partir de maintenant Dieu vous pardonne » Pourquoi a-t-il voulu passer par là ? Parce qu’il a voulu prendre sur lui le péché des hommes, rentrer dans le péché des hommes pour le recouvrir de la toute puissance de son amour. Les forces du mal du péché et de la mort ont été surpassées, balayées et vaincues définitivement. Même l’extrême de la haine, même le fait de tuer le Christ n’est pas venu à bout de son amour. Pendant qu’on était en train de le crucifier il priait encore pour ses bourreaux Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. (Luc 23,34). Autrement dit : vous pouvez me tuer si vous voulez,moi, je vous aime encore. C’est là que se révèle la gloire du Fils de l’homme. Déjà, à ce moment là, avant même la Résurrection, éclate le triomphe du Christ. Les flots de son amour, tel un tsunami irrépressible recouvrent les forces du mal, du péché et de la mort. Même quand les hommes déploient le maximum de haine dont ils sont capables, même pendant qu’ils sont en train de tuer le Christ, même à ce moment là, la toute puissance de l’amour du Christ pour les hommes l’emporte encore. D’où l’hymne à l’amour de Dieu de St Paul:dans l’épître aux Romains:Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?…. Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. (Rom.8,395-39). D’où toutes les croix que nous mettons partout dans nos maisons, au bord des routes, dans les carrefours, au sommet des montagnes et tous les signes de croix qui ponctuent nos gestes au long de nos journées et qui évoquent à tout instant l’amour et la miséricorde du Seigneur qui nous enveloppent.

C’est donc avec confiance que nous allons poursuivre cette office avec les deux moments forts que sont la grande prière universelle et l’adoration de la croix glorieuse.

Jeudi 14 avril 2022

Jeudi saint – Jean 13, 1-15

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

Nous célébrons ce soir l’institution du sacrement de l’Eucharistie par le Seigneur au cours du repas solennel de la Pâque Juive qu’il prit avec ses apôtres. Cette Pâque juive célébrait l’anniversaire de la libération du peuple juif retenu en esclavage quarante ans en Egypte, l’anniversaire du repas pascal où, comme le rapporte la première lecture, chaque famille avait mangé debout , un agneau rôti avant de se mettre en route pour la Terre Promise sous la conduite de Moïse. C’est au cours de ce repas rituel que Jésus va introduire deux gestes nouveaux : l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds.

On peut s’étonner que dans l’office de ce soir, le récit de l’institution de l’Eucharistie soit refoulé dans la deuxième lecture, tandis que le lavement des pieds prend la place d’honneur dans l’évangile. C’est que l’Eucharistie comme le lavement des pieds sont deux expressions différentes d’une même réalité :l’extrême de l’amour dans le le don de soi pour ceux qu’on aime. En ce qui concerne l’Eucharistie, c’est évident puisque c’est le sacrement du corps livré pour nous et du sang versé pour nous. C’est bien là l’extrême du don de soi. On ne peut pas faire plus : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. (Jean15,13) Par contre il est plus difficile de voir en quoi le lavement des pieds est une manifestation de l’extrême de l’amour dans le don de soi pour ceux qu’on aime.

Pourquoi peut-on dire que le lavement des pieds représente un témoignage de l’extrême de l’amour de Jésus pour nous ? Il faut bien voir ce que représentait ce geste du temps de Jésus. C’était un geste de courtoisie envers les hôtes qui arrivaient chez vous après avoir marché pieds nus ou chaussés de sandales sur des chemins boueux ou pleins de poussière. Mais c’était considéré comme un geste extrêmement humiliant au point qu’on ne pouvait même pas l’imposer à un esclave juif. Cette tâche était réservée au dernier des esclaves non juifs de la maison. Jamais un maître de maison n’aurait lavé les pieds d’un hôte. C’est pourquoi les apôtres et St Pierre en particulier sont profondément scandalisés et choqués de voir Jésus se mettre à leur laver les pieds. C’est un peu comme si, pardonnez moi cette comparaison inconvenante, l’archevêque en visite chez vous nettoyait les toilettes. Nous avons du mal à réaliser l’énormité de ce geste de Jésus. St Jean lui, qui en est conscient rapporte la scène sur un ton très solennel : Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, lui qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, leur donna de son amour un témoignage suprême. Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait jeté au coeur de Judas Iscariote, fils de Simon, la pensée de le livrer, sachant que le Père a remis toutes choses entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il va vers Dieu, Jésus se lève de table, dépose son manteau et prend un linge qu’il se noue à la ceinture Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.

L’Eucharistie, le corps du Christ livré pour nous comme le lavement des pieds sont ceux expressions différentes d’une même réalité : le don de soi jusqu’à l’extrême. C’est tellement vrai qu’à la messe, dans la 4° prière eucharistique, les paroles d’introduction à la consécration reprennent les paroles d’introduction au lavement des pieds :

LAVEMENT DES PIEDSLA MESSE
Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son PèreQuand l’heure fut venue où tu allais le glorifier
Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima
jusqu’au bout.
Au cours du repas, il se lève de table, prend un linge et lave les pieds de ses disciples. Au cours du repas qu’il partageait avec eux il prit du pain et le donna…

Ce qui veut dire qu’il y a deux manières de communier au Christ 1°) En recevant l’hostie, le corps du Christ livré pour nous, en vue d’avoir la force nous aussi de donner notre vie pour les autres. Car le but de la communion, c’est de nous donner la force de donner nous aussi notre vie pour les autres. Recevoir la communion pour être reçu à un examen ou pour être guéri d’une maladie, ce n’est pas un péché, mais la communion ce n’est pas fait pour ça. Et il n’est pas permis de recevoir la communion en dehors de la messe, exception faite pour les malades. Pourquoi ? Parce que recevoir la communion ce n’est pas manger une hostie et manger une hostie ce n’est pas faire la communion. St Thomas d’Aquin disait : si un rat mange une hostie, il ne fait pas la communion. Pour faire la communion, il faut d’abord s’offrir avec le Christ pour le salut du monde, ce que nous faisons à l’offertoire de la messe en nous offrant avec lui pour le salut du monde. Alors seulement nous sommes en communion avec le Christ. Mais si je ne m’offre pas, si je ne me donne pas au service des autres, je peux consommer un plein ciboire d’hosties, je ne suis pas en communion avec le Christ. 2°) Par contreet c’est là la deuxième manière de faire la communion : si je me donne au service des autres, je suis en communion avec le Christ même si je ne reçois pas l’hostie consacrée. C’est ainsi qu’une foule de divorcés ou de non pratiquants peuvent être authentiquement en communion avec le Christ, même s’ils ne s’en rendent pas compte et même s’ils n’y croient pas, ainsi que le pape François le souligne dans le huitième chapitre de son exhortation apostolique Amoris Laetitia même s’ils ne s’en rendent pas compte, et même s’ils n’y croient pas. Mais le Seigneur leur dira Venez les bénis de mon Père, car j’ai eu faim, j’ai eu soif, j’étais en difficulté et vous m’avez secouru ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens , c’est à moi que vous l’avez fait. (Mt.25,34,40)

Que retenir de tout cela ? 

L’institution de l’Eucharistie, le lavement des pieds deux gestes par lesquels le Seigneur nous donne de son amour un témoignage suprême et par lesquels il nous invite nous aussi à le suivre et à l’imiter. Autrement dit il y a deux manières de se mettre en communion avec le Christ : soit en recevant une hostie consacrée soit en se mettant au service des autres.

L’Eucharistie c’est le sacrement du corps du Christ livré pour nous. Le Seigneur a voulu nous donner ce sacrement pour que nous puissions y trouver la force de vivre comme lui en nous donnant au service des autres. Car si le Christ c’est celui qui donne sa vie pour nous, le chrétien c’est celui qui donne sa vie au service des autres aussi bien dans la vie de famille que dans la vie professionnelle ou dans le rôle que nous avons à jouer dans la société, qu’il soit enseignant, commerçant ou ministre du gouvernement. Dans sa première épître, St Jean faisant le portrait du chrétien conclut, péremptoire : Lui, Jésus a donné sa vie pour nous, nous devons nous aussi donner notre vie pour nos frères. (1Jean 3, 16)

C’est pourquoi le lavement des pieds qui est une illustration manifeste du service des autres est comme le fait de recevoir une hostie consacrée, une autre manière d’être en communion avec le Christ. Le geste du Christ lavant les pieds de ses disciples n’est pas n’est pas quelque chose d’anecdotique. Le Seigneur nous donne là un enseignement qu’il estime essentiel au point qu’il nous commande avec insistance de l’imiter. Reprenant sa place à table avec les apôtres, il leur dit : Si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné ; ce que j’ai fait pour vous, faites le vous aussi pour les autres…..Un serviteur n’est pas plus grand que son maître…. Sachant cela, vous serez heureux, si du moins vous le mettez en pratique. (Jean 13,14-17)

Dimanche 10 avril 2022

Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur – année C – Luc 19,28-40 et Luc 22,14-23,56

Voici ton roi qui vient vers toi, juste et victorieux, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne…Il proclamera la paix parmi les nations.

Après le récit de l’entrée à Jérusalem selon St Luc (19,28-40)

Pourquoi le Seigneur a-t-il accepté d’entrer triomphalement dans Jérusalem, monté sur un ânon lui qui d’ordinaire est extrêmement discret ? C’est que l’heure est venue pour celui qui aimait apparaître comme un humble charpentier de village de se révéler aux yeux de tous comme le Messie annoncé par le prophète Zacharie : Voici ton roi qui vient vers toi, juste et victorieux, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne…Il proclamera la paix parmi les nations. (Zach.9,9,10). Il n’avance pas monté sur un cheval, monture guerrière, mais sur un ânon, symbole de paix et de simplicité. C’est Jésus, doux et humble de coeur (Mt.11,29), mais c’est aussi le véritable Messie, envoyé par le Père et annoncé par les prophètes.

Après la lecture de la Passion selon St Luc (22,14-23,56)

La lecture de la Passion de Notre Seigneur que nous venons d’entendre nous plonge dans des sentiments contradictoires. D’un côté nous sommes submergés par un profond sentiment de tristesse et de honte, parce que c’est à cause de nos péchés qu’il a souffert tout cela. Mais d’un autre côté, voyant comment les forces du mal ne peuvent venir à bout de l’amour infini de Notre Seigneur : lorsqu’on est en train de le tuer il prie encore pour ses bourreaux Père pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font (Luc 23,34 ) c’est à dire : vous pouvez me tuer si vous voulez, moi je vous aime encore, nous sommes émerveillés et remplis d’action de grâces en voyant la puissance de l’amour de Dieu l’emporter sur les forces du mal.

Mais assez parlé de nous, de nos péchés et de notre responsabilité dans la Passion de Notre Seigneur. Voyons comment lui a abordé ces heures tragiques. Ce n’est pas quelque chose qu’il a subie, qui lui a été imposé, c’est quelque chose qu’il a voulu. Car ce ne sont pas ses ennemis qui se sont emparés de lui pour le tuer, c’est lui qui a donné sa vie. Il l’a bien précisé à ses apôtres le soir du Jeudi Saint Ma vie on ne me l’ôte pas, je la donne de moi-même. (Jean,10,18). Il a voulu en donnant sa vie montrer comment la puissance de son amour en dominant les forces du mal allait manifester sa gloire. C’est pourquoi, ce même il dit encore aux apôtres, parlant de sa passion et de sa mort imminentes : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. (Jean 12,23 ) Il a laissé déferler sur lui les forces du mal, du péché et de la mort, mais tel un tsunami, les flots de son amour infini ont recouvert la puissance du mal du péché et de la mort qui ont été balayées et vaincues définitivement. Ce qui inspirera à St Paul son hymne à l’amour de Dieu dans l’épître aux Romains : Qui nous séparera de l’amour du Christ ? … J’en ai l’assurance, ni la mort, ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ Notre Seigneur. (Rom.8,35,38,39).

Au cours de la célébration des Rameaux nous voyons le Seigneur face à deux triomphes : le triomphe humain de l’entrée triomphale à Jérusalem, et le triomphe divin de son amour infini dominant les forces du mal, du péché et de la mort, dans la Passion.

Le revirement de la foule qui exige la mort du Christ cinq jours seulement après l’avoir acclamé comme roi trahit l’extrême fragilité des triomphes humains. Cinq jours seulement après son entrée triomphale dans Jérusalem, il ne reste rien de ce triomphe.

Par contre, le triomphe divin du Seigneur dont l’amour infini est venu à bout des forces du mal, du péché et de la mort dans sa passion, rien ne peut le détruire. Rien ne peut venir à bout de la toute puissance de son amour, comme nous le rappelait St Paul il y a un instant.

Nous autres maintenant, quel genre de triomphes, quel genre de succès allons nous rechercher ? Les triomphes et les succès humains sont tentants. Allons nous nous laisser séduire ? Ou allons nous nous décider à rechercher les succès et les triomphes aux côtés du Seigneur, dont la puissance agissant en nous peut faire bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer, comme dit St Paul. (Eph.3,20) ?

Dimanche 3 avril 2022

5° Dimanche de Carême Jean 8, 1-11

Celui d’entre vous qui est sans péché,qu’il soit le premier à lui jeter une pierre.

Les Pharisiens amènent à Jésus une femme prise en situation d’adultère et l’interrogent : la Loi de Moïse dit qu’il faut lapider ces femmes là. Et toi, que dis-tu ? La démarche des Pharisiens relève d’un souci de justice. Il convient de respecter la Loi. Il n’y a plus de vie possible en société si on ne respecte plus les lois. Personne ne le conteste et Jésus non plus. Seulement il évalue différemment les choses. Pour les Pharisiens, ce qui compte, c’est que la Loi soit respectée. Pour Jésus, ce qui compte, c’est que les personnes soient sauvées, restaurées dans une vie digne et honnête. Pour lui, ce n’est pas assez de venger la loi bafouée en imposant une sanction, il veut aller jusqu’à sauver la femme adultère, le pardon qu’il lui accorde la relance dans une vie droite. Pour les Pharisiens, il n’y a pas d’autre solution que la sanction. C’est pourquoi ils posent à Jésus la question La Loi de Moïse dit qu’il faut lapider les femmes adultères. Et toi, que dis tu ? Apparemment Jésus est coincé dans un dilemme imparable. S’il dit non, il ne faut pas lapider ces femmes là, alors il ne respecte pas la Loi de Moïse et se range parmi les impies ; s’il dit oui, il faut lapider ces femmes là comme le prescrit le Loi de Moïse, alors il ne doit cesser de prêcher un enseignement nouveau qui sème le trouble parmi les croyants.

Mais Jésus ne se laisse pas enfermer dans ce dilemme, parce que pour lui, la solution, ce n’est pas la sanction, mais le repentir et le pardon qui ouvrent à la conversion. Pourquoi ce n’est pas la sanction ? Parce que même si la crainte de la sanction peut retenir celui qui est tenté d’enfreindre la loi, cela ne résout pas le problème, cela ne fait que le repousser. Dès que les représentants de l’autorité ne sont plus là, les adultères, les voleurs et les malfaiteurs en tout genre récidivent. La vraie solution, c’est que le voleur, l’adultère, le malfaiteur se convertisse. Or qu’est-ce qui peut amener à la conversion ? Le repentir, bien sûr. Prenant conscience du mal commis, on le regrette et on décide de changer de conduite. On voit très bien ces deux temps du repentir dans la démarche du fils prodigue qui dit J’irai vers mon père et je lui dirai Père j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Par ces paroles il reconnaît sa faute et exprime son regret de sa conduite passée. Mais il ajoute Traite-moi comme un de tes ouvriers. Il exprime là sa volonté de changer de conduite à partir de maintenant. Il veut désormais cesser de mener une vie de plaisirs et se remettre au travail sous les ordres de son père. Avec cette nouvelle orientation , le repentir se transforme en véritable conversion. Car se convertir ce n’est pas aller vers l’avenir en marchant à reculons, les yeux fixés sur ses péchés passés, qu’on essaie de laver à coups de regrets et de pénitences. Se convertir c’est en plus de la contrition et du regret du passé, décider de changer et de faire autrement à l’avenir.

Mais plus encore que notre repentir, ce qui permet d’arriver à se convertir, c’est le pardon accordé par le Seigneur au pécheur. En effet qu’est-ce que c’est que ce pardon ? Ce n’est pas simplement quelque chose qui efface la faute passée, comme un coup de chiffon donné sur un meuble en évacue la poussière, le pardon donné par le Seigneur en plus d’effacer le mal change notre coeur, nous donne un coeur nouveau, j’ôterai de votre chair le coeur de pierre , et je vous donnerai un coeur de chair dit l’Ecriture. (Ez.36,26) En nous donnant son pardon, le Seigneur nous donne un coeur nouveau, un esprit nouveau. Il transfère son coeur dans le nôtre. Transformé par le pardon, le pécheur a désormais la force de se convertir, de changer de vie . Le pécheur pardonné est dynamisé. De plus, le pardon que nous accorde le Seigneur est quelque chose de complètement immérité. Devant la générosité de ce pardon où on lui fait confiance alors qu’il ne le mérite pas, le pécheur bouleversé, retourné, s’engage dans la conversion dans la joie et l’action de grâces. C’est ainsi que St Ignace et Ste Thérèse de Lisieux rapportent qu’ils aimaient méditer sur leurs péchés passés parce que c’était pour eux l’occasion de de redécouvrir l’amour que Dieu leur avait manifesté en leur pardonnant .

Alors que les Pharisiens visent à une justice règlement de comptes, tournée vers le passé,le Seigneur vise à une justice miséricorde tournée vers le futur, qui relance le pécheur dans une vie droite. Les Pharisiens renfonçaient la femme adultère dans son péché passé, Jésus la libère la tourne vers un avenir de femme pardonnée, transformée par le pardon qui l’a refaite juste, promise à un avenir honnête. Va et ne pèche plus lui dit le Christ. Ne regarde plus ton passé, mais va de l’avant.

Ne pas regarder le passé mais aller de l’avant avec le Christ, c’est ce que nous disent les trois lectures de la messe aujourd’hui. Ne faites pas mémoire du passé, ne pensez plus aux choses d’autrefois nous dit Isaïe. Et St Paul renchérit Oubliant tout ce qui est en arrière, c’est à dire mon passé de pharisien, je cours vers le but, le bien qui dépasse tout, Jésus Christ mon Seigneur.

Le but est clair. En ce temps de carême, il s’agit de regarder le Christ, afin de mieux le connaître, l’aimer et le servir est non pas nous tourner vers nous, perdre ,notre temps à ressasser nos faiblesses et nos péchés. Le carême ce n’est pas un moment où il faut lutter contre es défauts et ses péchés, point final, c’est un moment où il faut lutter contre ses défauts et ses péchés pour être plus comme le Christ, en communion avec lui. Le but, ce n’est pas moi, ma perfection, mon but c’est le Christ, mon union au Christ.

Que retenir de tout cela ? 

Devant la femme adultère qui a transgressé la Loi, les Pharisiens veulent sauver la Loi. Leur justice est une justice de règlement de comptes, tournée vers le passé. Jésus lui, veut sauver la femme adultère, qu’elle s’écarte du mal et puisse repartir à l’avenir dans une vie honnête. Sa justice, c’est une justice de miséricorde tournée vers le futur, qui fonctionne à coups de pardons.

Le pardon du Seigneur,ce n’est pas seulement quelque chose qui efface les péchés passés. Parce que dans son pardon le Christ transfère son cour dans le nôtre, ce pardon nous transforme, nous donne un coeur nouveau, un esprit nouveau. Forts de la force du Christ, nous pouvons, rénovés, repartir vers un avenir nouveau.

Le pardon, ce n’est pas une simple décision par laquelle le Seigneur déciderait d’oublier nos fautes, c’est un geste d’amour qui nous ré-unifie avec le Christ , sans que nous l’ayons mérité, par conséquent en toute injustice. Le pardon, c’est l’injustice de l’amour. Mais il n’y a pas que le pardon qui nous unit au Christ. La messe aussi nous unit au Christ. Profitons de cette messe pour nous offrir au Seigneur et en repartir plus unis qu’à lui en arrivant.

Dimanche 27 Mars 2022

4° Dimanche de Carême Luc 15,1-3, 11 32

Un homme avait deux fils…

Les scribes et les pharisiens avaient de bonnes raisons de récriminer. Jésus avait des manières de faire choquantes. Toujours fourré avec les pécheurs, il fréquentait des dissidents comme les Samaritains, et s’approchait des intouchables que sont les lépreux et les possédés d’esprits impurs. On le voyait même adresser la parole à des femmes pas très recommandables  Par contre il regardait de travers les prêtres et mettait plus bas que terre les scribes, les docteurs de la Loi et les pharisiens. Un tel non conformisme et un anticléricalisme aussi caractérisé ne pouvaient que heurter et provoquer des réactions de méfiance sinon d’hostilité chez les scribes et les pharisiens qui se croyaient justes et irréprochables. Le Messie d’après eux devait être un justicier implacable qui écraserait leurs opposants Ils n’aimaient pas entendre Jésus enseigner que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui. (Jean 3,17 ). Avec la parabole du Fils prodigue, Jésus essaye, une fois encore, de faire comprendre que le Messie n’est pas venu pour condamner mais pour sauver ce qui était perdu, et en même temps, il nous donne un enseignement lumineux sur la tentation, sur le péché sur le repentir et surtout cette parabole nous éclaire sur le pardon et l’attitude de Dieu vis-à-vis du pécheur.

La parabole du fils prodigue montre bien comment dans la tentation, le démon nous trompe. Il dissimule le mal, il cache au fils prodigue la souffrance qu’il va causer à son père et à toute la famille et présente le mal comme quelque chose de bien et de bon, d’agréable et de profitable. Vas y, laisse tomber la famille, tu ne fais rien de mal, tu ne voles rien à personne, ton héritage, c’est à toi.Tu es jeune, tu as bien le droit d’en profiter et de faire la fête . Ilcache également au prodigue les conséquences du mal, il lui cache qu’il va se retrouver dans la misère quand il aura dilapidé son héritage. Dans la tentation le démon parvient à nous faire croire que le mal est un bien, quelque chose de bon et de profitable.

La parabole du fils prodigue nous montre aussi que le péché, présenté par le diable sous des aspects attrayants, en plus d’être une offense envers Dieu qui nous aime, se révèle toujours catastrophique pour le pécheur. Ainsi que le Seigneur nous l’enseigne déjà dans Jérémie Est-ce bien moi qu’ils blessent, n’est-ce pas plutôt eux-mêmes pour leur propre confusion ? (Jer.7,19) Le fils prodigue se retrouve obligé de garder les cochons, le pire qui puisse arriver à un Juif pour qui les porcs sont des animaux impurs Il touche le fond de la misère.

Mais sous l’impact de la réalité qui s’impose à lui cruellement, les mirages de la tentation s’estompent, il reprend pied dans le réel et s’engage dans la voie du repentir. Onpeut distinguer trois niveaux dans ce repentir. hors de soi. Le premier niveau du repentir nous fait reprendre pied dans la réalité. Le fils prodigue rentra en lui-même, il reprit ses esprits, comme si dans le temps de latentation on avait perdu perdu son bon sens et son jugement comme si on était en dehors de soi. Il voit : je me suis laissé avoir. J’ai cru que ce serait mieux pour moi d’aller faire la fête avec mes amis plutôt que de rester travailler avec mon père. Maintenant je vois que j’ai mal fait. J’ai offensé mon père en l’abandonnant alors qu’il ne m’a fait que du bien depuis que je suis tout petit. Et je n’ai récolté que du malheur.

Le deuxième niveau du repentir conduit le fils prodigue à un sentiment de regret et à présenter des excuses à son père  : Je vais aller vers mon père et je lui dirai :Père j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Cela lui a demandé un sérieux effort de volonté.

Enfin, troisième niveau, le repentir va plus loin qu’une contrition qui même sincère reste tournée vers le passé, il nous amène à un changer de vie à l’avenir. Le fils prodigue décide de se remettre au travail et de demander à son père Traite moi comme un de tes ouvriers . Son repentir qui jusque là restait tourné vers le passé se transforme en conversion engageant l’avenir.

Mais le plus important et le plus beau dans cette parabole, c’est l’attitude du père. Il aurait plus de motifs qu’il n’en faut pour se montrer sévère et vouloir punir son fils qui l’a tant fait souffrir. Pas du tout, le pauvre prodigue n’a même pas le temps de finir son petit discours d’excuses, son père lui coupe la parole et l’embrasse, il se retrouve habillé de neuf, des sandales au pied, une bague au doigt, signe de son rang de fils recouvré, et tout le monde passe à table pour le festin des retrouvailles. Pas question d’expiation ou de sanction, pas la moindre condamnation. Pas de temps à perdre avec tout ça. Son amour pour son fils balaye toute velléité de reproches. Il est tout à la joie de voir son fils de retour dans l’intimité familiale. Le Christ veut ici nous faire comprendre que notre Père du ciel est dans les mêmes dispositions envers nous. Il ne cherche pas à nous juger, à nous punir ou à nous condamner. Quels que soient nos torts et nos offenses envers lui, dès que nous revenons vers lui, il nous accueille, tout à la joie de nous voir revenir Je vous le déclare, dit le Seigneur il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Luc15,7)

Le fils aîné lui ne comprend pas cette logique là. Il pense que son frère dévoyé ne mérite pas d’être ainsi accueilli. Sommes nous meilleurs que ce fils aîné ? Pas sûr !!! Supposons que Poutine se convertisse. Quelle tête ferions nous en le retrouvant à côté de nous au ciel ?

Que retenir de tout cela ? 

Trois choses

1°) Notre Dieu est un Père qui nous aime, comme le père de l’enfant prodigue .Quelles que soient nos fautes, dès que nous revenons vers lui, il nous réintègre dans l’intimité de son amour, il ne cherche pas à nous juger et encore moins à nous condamner. Il n’a qu’une idée en tête : nous pardonner et nous faire rentrer à nouveau dans l’intimité familiale .

2°) Le repentir n’est pas seulement le regret des fautes passées, il nous amène jusqu’à changer désormais notre manière d’agir Il est donc tourné aussi vers l’avenir.

3°) Le prodigue a eu le courage de retourner vers son père et lui demander pardon.Et ce pardon, non seulement a effacé ses fautes passées mais l’a relancé à nouveau dans la paix et le bonheur de la vie de famille retrouvée Aujourd’hui encore le Seigneur nous guette, comme le père de l’enfant prodigue guettait le retour de son fils, pour nous accorder son pardon dans le sacrement de réconciliation, par lequel il efface nos fautes passées, et, transfèrant son coeur dans le nôtre, il nous donne sa force pour redémarrer et changer de vie ainsi que l’explique le prophète Ezechiel  : Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiéje mettrai en vous MON esprit et je ferai que vous marchiez selon mes lois. (Ez.36,26,27)Mais, aurons nous le courage, comme le prodigue, d’aller demander ce pardon  et chercher la vie nouvelle que le Seigneur veut nous donner ?

Dimanche 13 février 2022

6ème dimanche du temps ordinaire – Année C – Lc 6, 17.20-26

« Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! »

Nous sommes au début de la vie publique de Jésus. Il vient juste de choisir parmi ses disciples les douze apôtres. Depuis quelque temps déjà, il avait commencé à enseigner, impressionnant son auditoire par la profondeur de sa parole. Il avait également opéré quelques miracles, de sorte que sa renommée s’était répandue à travers tout le pays. Il n’est donc pas étonnant que ce jour là, une grande multitude de gens se soit pressée autour de lui. On venait de partout, aussi bien de la Judée au sud, que des territoires païens de Tyr et de Sidon au nord, il va alors prononcer le fameux discours des Béatitudes que l’on peut considérer comme un discours programme puisque, à travers ces Béatitudes, le Seigneur indique les dispositions nécessaires et le programme à suivre pour entrer dans le Royaume.

Souvent les paroles du Christ sont déconcertantes, mais là, il bat tous ses records. Comment peut on dire que les pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent ceux qui sont haïs et rejetés par leur entourage sont bienheureux ? Personne ne souhaiterait à ceux qu’il aime d’être pauvres, de souffrir de la faim, d’être dans la tristesse, d’être insultés et rejetés par leur entourage, et le Seigneur ne nous le souhaite pas non plus. Alors qu’est ce qu’il veut dire?  

Impossible de reprendre toutes les Béatitudes dans le cadre d’une courte homélie. Je reprendrai simplement la première : Heureux VOUS les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. C’est d’ailleurs la plus importante. Le passage parallèle de St Mt précise : Bienheureux les pauvres de cœur, le royaume de Dieu est à vous. Mais qu’est-ce que c’est un pauvre de cœur ? Ce n’est pas un nécessiteux qui n’a pas de logement, de voiture, ni de vêtements convenables, ce n’est pas non plus quelqu’un qui n’a pas d’instruction ni d’éducation, ni quelqu’un n’a pas un rang honorable dans la société. Les élus ne sont pas des clochards, des SDF, des ignorants ou des ratés. Un pauvre de cœur c’est quelqu’un qui est pauvre sur le plan moral et spirituel, c’est quelqu’un qui n’arrive pas à aimer son mari, sa femme, ses enfants comme il le voudrait, c’est quelqu’un qui n’ arrive pas à être honnête comme il le voudrait. Il peut être très fortuné ou indigent. Mais malgré la richesse ou la culture qu’il peut avoir, malgré la renommée dont il peut jouir, il se rend compte comme St Paul: le bien que je veux, je ne le fais pas; elle mal que je ne veux pas je le fais … malheureux homme que je suis (Rom.7,19) Il est intéressant de remarquer que la traduction malgache dit : Hélas, je suis pauvre·.

Mais pourquoi le fait d’être pauvre de cœur, incapable de s’en sortir dans la vie, rend-il bienheureux ? Normalement, cela devrait être le contraire. Je devrais être malheureux de me voir pauvre, incapable de rien réussir par moi-même. En fait, me sentant pauvre et démuni, je vais penser à me tourner vers Dieu pour avoir son appui. Comme Dieu est un père qui m’aime, il va me tirer d’affaire. Moi je suis pauvre et malheureux mais le Seigneur pense à moi dit le ps. 40. Les pauvres de cœur sont les préférés du Seigneur, comme il le dit par la bouche d’Isaïe. Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied, mais celui sur qui je jette les yeux, c’est le pauvre et le cœur contrit (Is 6,8). Quel paradoxe étonnant et merveilleux ! Les pauvres de cœur qui devraient être malheureux de voir qu’il n’arrivent à rien, se retrouvent bienheureux parce que dans leur malheur, ils se tournent vers Dieu qui va leur donner ce que les richesses, le savoir ou une bonne réputation ne pourraient jamais leur procurer. C’est pour cela que le fait de se sentir pauvre, finalement rend heureux. Que je sois pauvre, que je n’arrive à rien par moi-même, qu’est-ce que ça peut faire, puisque Dieu est avec moi. Je peux dire comme St Paul Je puis tout en celui qui me fortifie (phil.4,13) Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2Cor.12,10) Le pauvre de cœur n’est pas bienheureux parce qu’ il est pauvre, mais parce que, conscient de sa pauvreté il se tourne vers Dieu dont l’aide va le combler bien au-delà de ce que les richesses de la terre pourraient lui apporter. Tandis que le riche parce que son argent, son instruction, sa culture lui permettent de se procurer à peu près tout ce qu’il veut, ne ressent pas le besoin d’appeler Dieu à l’aide. Les riches croient n’avoir besoin de rien ni de personne. Leur cœur épaissi se ferme dit le ps (16,10) et ils chassent Dieu hors de leur vie. C’est pourquoi même si en principe on peut trouver des pauvres de cœur parmi les riches, en fait, il est beaucoup plus difficile aux riches d’être des pauvres de cœur.

Mais que les choses soient claires. La pauvreté est un mal. que ce soit la pauvreté matérielle ou la pauvreté de cœur. Personne ne souhaite à ceux qu’il aime d’être pauvre. Mais la pauvreté est un mal qui peut avoir des effets secondaires positifs. Comme on se sent dans le besoin, on se tourne vers Dieu pour lui demander son aide. La richesse, elle, est un bien, qu’il s’agisse de la richesse matérielle ou spirituelle. D’ailleurs l’Ecriture nous dit que Dieu comble de richesses spirituelles et même matérielles ceux qu’il aime. Mais la richesse est un bien qui peut avoir des effets secondaires négatifs. Souvent elle nous coupe de Dieu et des autres. Et le Christ va jusqu’à dire Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux (Mt. 19,24) Devant les problèmes que peuvent causer aussi bien la richesse que la pauvreté le sage du livre des Proverbes dit à Dieu dans sa prière : Ne me donne ni pauvreté ni richesse, laisse moi goûter ma part de pain, de crainte qu’étant indigent je ne dérobe et ne profane le nom du Seigneur, ou encore, qu’étant comblé je ne me détourne et ne dise: qui est Yahvé ? (Prov.30,8)

Mais la pauvreté de cœur dont parle le Seigneur dans l’évangile d’aujourd’hui, qui est une chose distincte de la pauvreté et de la richesse en soi, ce n’est pas une qualité facultative qu’on peut avoir ou non, c’est une qualité indispensable, absolument nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux parce qu’elle nous ouvre à Dieu, elle nous fait sentir le besoin de Dieu. Les pauvres de cœur sont bienheureux parce que n’étant pas satisfaits de leur pauvreté, ils cherchent la vraie richesse auprès de Dieu. De même ceux qui pleurent sont bienheureux parce que non satisfaits des joies d’ici-bas, ils cherchent la vraie joie auprès de Dieu. De même encore ceux qui ont faim et soif de justice sont heureux parce que, non satisfaits de la justice d’ici-bas, ils aspirent à la vraie justice que seul Dieu peut leur offrir.

Autrement dit, l’attitude de base pour suivre le Christ et entrer dans le Royaume, c’est d’être un homme de désir, qui n’est pas satisfait des richesses de la terre, impuissantes à faire de lui l’homme qu’il voudrait être. Toujours, il cherche mieux. Au plus profond de lui, il est convaincu comme St Augustin : Tu nous as faits Seigneur pour Toi, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi.

Que retenir de tout cela ?

Heureux vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous, qu’est-ce que cela veut dire ? La pauvreté dont parle le Christ n’est pas d’ordre économique et social. L’indigence et la pauvreté matérielle n’ouvrent pas, de soi, les portes du Royaume. Le fait de ne pas posséder de richesses ne fait pas de vous automatiquement un juste. Les pauvres dont parle le Christ sont des pauvres de cœur. Voyant que les richesses de la terre sont impuissantes à les sortir de leur misère et à combler leurs aspirations les plus profondes, ils se tournent vers Dieu Pourquoi les pauvres de cœur sont ils bienheureux ? Pas parce qu’ils sont pauvres, mais parce que leur pauvreté qui est un mal a des effets secondaires positifs : elle les amène à découvrir que le Seigneur est seul capable de combler leurs aspirations les plus profondes et qu’Il est bien comme dit St Paul celui dont la puissance agissant en nous peut faire bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer. (Eph.3,20)