Cet évangile comporte trois moments distincts. D’abord Jésus commence à annoncer à ses apôtres qu’il fallait qu’il souffre sa passion, qu’il soit tué et qu’il ressuscite. Ensuite Jésus balaye les protestations de Pierre et expose comment pour être son disciple, il faut se renoncer et prendre sa croix . Enfin il confirme ce que l’Ancien Testament affirmait déjà : à la fin des temps chacun sera jugé selon ce qu’il aura fait durant sa vie.
Quand Jésus dit qu’il lui faut souffrir, il ne parle pas d’un destin imparable mais du plan de Dieu qu’il a accepté. Mais pourquoi Dieu a-t-il élaboré un tel plan ? Ici, c’est un peu difficile :( Attachez vos ceintures !!!) Fallait-il vraiment que le Christ meure sur la croix pour que nos péchés soient pardonnés ? Pas du tout. Dieu aurait très bien pu envoyer un prophète proclamer « Dieu m’envoie vous dire qu’à partir de maintenant tous vos péchés sont pardonnés. » Pourquoi a-t-il voulu ce scenario terrible de la Passion ? Peut-être parce qu’il n’ a pas voulu annoncer son pardon simplement avec des mots. Il a voulu que ce pardon soit actué, démontré en actes. C’est ce qu’a fait le Christ dans sa passion. Il a laissé déferler sur lui toute la puissance du mal, du péché et de la mort et la toute puissance de son amour, tel un tsunami, a recouvert noyé et détruit toute la puissance du mal, du péché et de la mort. Alors qu’on est en train de le tuer, il prie encore pour ses bourreaux :« Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23,34)Autrement dit : »Vous pouvez me tuer si vous voulez, mais moi je vous aime encore. »Devant cela, impossible de douter. Oui nous sommes vraiment pardonnés. La toute puissance de son amour nous a sauvés.Il faut manier avec précaution des termes comme rédemption, rachat, souffrances. On peut dire que le Christ a racheté nos péchés par les souffrances de sa passion, c’est vrai, mais il ne faut pas comprendre cela comme si le Père avait décidé « je veux bien racheter les péchés des hommes, mais il faut payer » comme s’il fallait tant de kg de souffrances du Christ pour racheter tant de kg de péchés des hommes.De toutes façons les souffrances du Christ n’ont rien sauvé du tout, c’est l’amour avec lequel le Christ a enduré ses souffrances qui nous a sauvés. Et on ne répare pas le mal commis. C’est irréparable.On peut seulement mettre plus d’amour par dessus. C’est ça le sens du mot pardonner, donner par dessus.
Mais bien sûr, lorsque le Christ leur annonce sa passion sa mort et sa résurrection, les apôtres sont choqués. St Pierre, révolté d’entendre cela, prend Jésus à part » Dieu t’en garde ! cela ne t’arrivera pas ! D’après lui, Dieu ne peut pas permettre cela ! Sans le penser, sans le vouloir, il s’oppose au plan de Dieu. C’est pourquoi Jésus le rabroue vertement « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes » Il le remet sèchement à sa place de disciple qui n’a pas à donner des conseils à son maître : » Passe derrière moi »Jésus se rend compte alors que les apôtres ne comprennent pas et ne peuvent pas comprendre ce qu’il vient de leur révéler sur sa Passion et sa Résurrection. C’est pourquoi il n’essaie même pas de leur donner davantage d’explications, Il passe à autre chose et leur parle des conditions nécessaires pour le suivre.« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, il faut qu’il se renonce et qu’il prenne sa croix »Se renoncer, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que je renonce à faire ce qui me plaît ou ce qui à mon avis me paraît le meilleur pour faire ce que le Seigneur veut que je fasse. Si je crois que mon Dieu est un Père qui m’aime et veut le meilleur pour moi, alors je ne peux plus m’accrocher à mes préférences personnelles, je vais y renoncer et dire, comme le Christ « Non pas ma volonté, mais la tienne« (Mt.26,39), comme Notre Dame:« je suis la servante du Seigneur »(Luc1,38), o u encore comme St François d’Assise : »Seigneur, que veux-tu que je fasse ? ». A certains moments, cela peut demander de durs sacrifices, c’est vrai. Mais il ne faut pas dramatiser. Renoncer au moins bien pour choisir le mieux,il n’y a rien de tragique là-dedans.
Celui qui veut me suivre, il faut qu‘il prenne sa croix ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Là encore il ne faut pas dramatiser. Cela veut dire tout simplement qu’il faut aimer assez le Seigneur pour être capable d’accepter de souffrir pour lui . Il n’y a rien là d’extraordinaire.Dans toutes les familles, toutes les mamans, tous les pères de famille acceptent de porter bien des croix, de surmonter bien des souffrances pour construire le bonheur de ceux qu’ils aiment. Bien plus, même si les efforts qu’ils ont à faire leur coûtent, ils sont heureux de les faire, parce que le bonheur de ceux qu’ils aiment est au bout. Vous connaissez le dicton « Quand on aime, il n’y a pas de peine, et s’il y a de la peine, c’est une peine qu’on aime ». Quand le Christ dit « celui qui veut se mettre à ma suite, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » Cela ne veut pas dire qu’il veut nous voir souffrir. Au contraire, dans l’évangile il dit et redit avec insistance que son but, c’est de partager sa joie avec nous Prenant congé de ses disciples au soir du Jeudi St. il leur dit « Je vous ai parlé ainsi afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jean 15,11) et dans la dernière prière qu’il adresse à son Père avant d’entrer dans sa passion, faisant le bilan de son enseignement il conclut « Je leur ai dit tout cela afin qu’ils aient ma joie en plénitude » (Jean 17,13) Nous avons du mal à comprendre cela. La preuve, c’est qu’on ne voit nulle part une image ou une statue du Christ souriant et notre pape François doit encore protester contre tous ces chrétiens qui ont « une tête de carême sans Pâques « !
L’évangile d’aujourd’hui se termine par une excellente bonne nouvelle Le Christ nous explique qu’à la fin des temps, chacun sera jugé selon sa conduite. Cela sous entend que le pardon reçu n’est pas un simple coup de torchon qui effacerait nos fautes mais une grâce qui nous transforme et nous rend capables à nouveau de faire le bien. Comme l’explique St Paul aux Éphésiens En nous pardonnant, » Le Seigneur fait de nous des êtres nouveaux en vue des œuvres bonnes préparées à l’avance pour que nous les accomplissions » (2,10)
Que retenir de tout cela ?
Pourquoi le Christ dit il qu’il lui faut passer par la passion, la mort et la résurrection ? Parce qu’il veut nous montrer, à travers un témoignage d’amour irréfutable et pas seulement à travers des mots, comment son amour infini triomphe du mal du péché et de la mort et nous obtient le pardon.
Se renoncer, comme le Christ nous demande de le faire, ce n’est pas se restreindre ou se détruire, c’est au contraire s’ouvrir sur plus grand que soi. C’est refuser de s’enfermer sur mes petites ambitions personnelles pour s’ouvrir aux ambitions de Dieu pour moi. Il veut que ma vie soit quelque chose qui dépasse un horizon personnel plus ou moins étriqué. pour s’ouvrir à une dimension d’éternité.
Prendre notre croix, comme le Christ nous le demande, ce n’est pas nous engager dans une vie de souffrances, mais seulement de l’aimer assez pour accepter les sacrifices qu’impose l’engagement à le suivre.Tout comme un sportif passionné pour son sport accepte les durs efforts de l’entraînement .
Enfin par son pardon, non seulement il efface nos fautes, mais il nous donne un coeur nouveau, un esprit nouveau et fait de nous des êtres nouveaux en vue des oeuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance pour que nous les accomplissions. Alors qu’est-ce qu’on fait ? Eh bien, retroussons nos manches ! Ainsi soit-il !!!