17 septembre 2023 (Mt 18,21-35 ) Fournes

L’Ancien Testament interdisait déjà toute haine ou toute rancune envers son frère. La règle du talion mettait une limite à la vengeance, et le Siracide prescrivait : Pardonne à ton prochain ses torts ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. (Si 28,2) Mais Jésus va plus loin et demande qu’on pardonne à tous, même à ses ennemis. Pierre se demande alors jusqu’où il faut aller, c’est pourquoi il interroge Jésus : Lorsque mon frère commettra des fautes envers moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? Jésus lui répond : Pas sept fois mais soixante-dix fois sept fois. Autrement dit, il n’y a pas de limites, il faut toujours pardonner.

Mais qu’est-ce que c’est exactement pardonner ? C’est renoncer à punir ou à se venger d’une offense subie, c’est disculper celui qui vous a offensé et reprendre les relations cordiales qu’on entretenait avec lui auparavant, alors que rien ne vous oblige à agir ainsi.  Le pardon, c’est une démarche de bonne volonté de la part de l’offensé, qui fait à l’offenseur un cadeau qu’il n’a pas mérité. Il aurait mérité au contraire une réaction hostile, voire une vengeance de la part de l’offensé. A regarder les choses en toute objectivité, le pardon est une injustice, c’est l’injustice de la charité.

Mais alors, pourquoi pardonner ? Nous devons pardonner d’abord parce que nous sommes nous-mêmes des pardonnés. Sans être des criminels, nous sommes quand même tous des pécheurs… Alors que nous avons tout reçu de Dieu, la vie, l’intelligence et toutes sortes de talents, souvent nous l’oublions et nous organisons notre vie sans lui. Alors qu’il a tant de prévenances à notre égard, souvent nous réagissons grossièrement à son égard. Mais il ne nous rejette pas. Il n’est jamais découragé et ne nous laisse jamais tomber. Toujours il nous pardonne et nous remet sur le bon chemin. Dès lors nous ne pouvons pas agir autrement que lui avec ceux qui agissent mal envers nous. Personne ne voudrait faire comme le mauvais serviteur de la parabole qui, après que son maître lui a remis une dette importante se montre sans pitié avec quelqu’un qui lui doit une somme négligeable.

Mais la vraie raison pour laquelle nous devons pardonner, c’est que, si nous sommes chrétiens, alors nous sommes d’autres christs et nous ne pouvons pas agir autrement que lui.  Au baptême nous avons reçu la vie du Christ. Grâce au sacrement de confirmation nous partageons son esprit, sa mentalité. Chacune de nos communions nous renforce dans notre union à lui. Par conséquent nous ne pouvons pas agir différemment de lui. Il pardonne sans fin nous devons aussi nous en faire autant ou du moins nous efforcer d’en faire autant.

Mais pourquoi nous pardonne-t-il ainsi toujours sans se lasser, alors que nous ne le méritons pas, et que ce pardon ne lui rapporte rien ? La question est double : pourquoi, en raison de quoi, pardonne-t-il et pourquoi, en vue de quoi, pardonne-t-il ?………….Pourquoi,  en raison de quoi, pardonne-t-il? Parce qu’il est amour sans limites., générosité absolue. C’est le mystère de notre Dieu Il n’a qu’une idée : partager avec nous tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. Si nous tombons, à chaque fois il nous relève… Nous n’arrivons à comprendre ce parti-pris. Le livre de la Sagesse tente d’expliquer Tu fermes les yeux sur  les péchés des hommes pour qu’ils se repentent. Oui, Tu aimes tous les êtres et n’as de mépris pour rien de ce que tu as fait, car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose subsisterait elle si tu ne l’avais voulue ? Comment conserverait-elle l’existence si tu ne l’y avais appelée ? Mais tu épargnes tout parce que tout est à toi, Maître, ami de la vie. (Sg 12, 23-2-) …Tu nous donnes le temps de nous défaire de notre perversité…pour nous apprendre quand nous jugeons à songer à ta bonté et quand nous sommes jugés, à compter sur ta miséricorde. (Sg 12,22).

 Mais si Dieu ne cherche pas à condamner ou à punir celui qui fait mal, c’est qu’il veut le récupérer, le sauver, le ramener sur le bon chemin. Jésus le dira clairement   à Nicodème Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé. (Jn 3,17) Et plus loin toujours dans l’évangile de Jean Jésus lui-même confirme : je ne suis pas venu juger le monde , je suis venu sauver le monde (Jn 12,47 ) Voilà le pourquoi, en vue de quoi, le Seigneur nous pardonne. Ce qu’il veut c’est que nous redevenions capables de faire le bien. C’est pourquoi quand il nous pardonne, en même temps qu’il efface le mal commis, il change notre cœur comme il le dit magnifiquement dans le livre du prophète Ézéchiel : Je vous donnerai un cœur nouveau, un esprit nouveau…J’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et suiviez mes coutumes. (Ez 36, 26-27 ) Le pardon du Seigneur  nous rend capables,  nous pécheurs, de faire le bien à nouveau, de construire un petit bout de royaume de Dieu  là où nous vivons,  de transformer notre monde plein de conflits d’injustices de violences, en un monde où il y a un peu plus de paix, de justice et de charité.

Nous, quand nous pardonnons aux autres nous ne pouvons pas changer leur cœur. Mais du moins ils voient que nous ne les rejetons pas et qu’ils gardent notre estime et notre confiance. Et cela les aide à repartir du bon pied. Ce n’est pas facile de pardonner. Pour pardonner, je dois éteindre toute rancune en moi. Et celui à qui je pardonne ne doit pas être humilié par le pardon que je lui offre alors qu’il ne le mérite pas. Comment faire ? Si nous sommes embarrassés, si nous ne voyons pas comment faire, demandons-nous simplement : Le Seigneur, comment ferait-il s’il était à ma place ?

Que retenir de tout cela ?

Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Seigneur nous demande de toujours pardonner. Mais pourquoi faut-il toujours pardonner ? D’abord parce que nous sommes nous-mêmes des pardonnés. Notre Père c’est la générosité absolue, 24h./24, envers tous. Il est comme à l’affût et au moindre de nos mouvements de repentir, il se précipite pour nous pardonner et nous relever alors que nous ne le méritons pas. On peut dire que le pardon est une injustice, l’injustice de la charité. Étant des pardonnés, à qui le Seigneur remet beaucoup, nous ne pouvons pas ensuite nous montrer sans pitié envers ceux qui nous doivent un petit quelque chose, comme le fait le mauvais serviteur de la parabole.

Mais surtout nous devons pardonner parce que en tant que chrétiens nous sommes d’autres Christs. Depuis le jour de notre baptême, nous avons été plongés en lui. Et depuis en particulier par les sacrements il ne cesse de nous faire partager toujours davantage, sa vie, sa mentalité. Donc nous ne pouvons pas, si nous prétendons être chrétiens agir autrement que lui. Même si nous n’arriverons jamais à faire aussi bien que lui, nous pouvons nous efforcer de faire le plus possible comme lui, d’autant plus que lorsqu’il nous pardonne le Seigneur ne se contente pas d’effacer le mal que nous avons commis mais il change notre cœur, il transfère son cœur dans le nôtre et nous rend capables de faire un peu comme lui.

Finalement on peut résumer l’enseignement de l’évangile d’aujourd’hui en retournant la formule du Pater : Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés et dire : Pardonnons-nous nos offenses comme Il pardonne à ceux qui l’ont offensé.


3 / 3