10 septembre 2023 Ennetières

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Si ton frère a péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, essaye encore avec une ou deux personnes ou avec l’aide de la communauté. De quoi s’agit-il ? De gagner celui qui a commis une faute. Mais cela veut dire quoi : gagner  ? Cela veut dire  amener celui qui a mal agi à repartir du bon pied. Souvent, nous pensons que le pardon et la réconciliation ne concernent que le passé, qu’il s’agit d’un règlement de comptes portant sur le passé, de tirer un trait sur le passé. Nous sommes tentés de penser que le pardon et la réconciliation sont opérés dès que l’offenseur manifeste un regret sincère de ses fautes passées et que l’offensé fait preuve d’indulgence et de bonté vis  à vis de ce passé . Nous oublions que le pardon et la réconciliation entraînent  un changement pour l’avenir de l’offenseur et de l’offensé.  Pour Jésus en tous cas, l’avenir compte plus que le passé. Lorsqu’il inaugure solennellement sa première prédication Jésus ne dit pas simplement : Repentez vous, regrettez vos fautes passées, il exige davantage : Convertissez vous, dit-il, c’est-à-dire, en plus de vos regrets portant sur le passé, engagez votre avenir dans une nouvelle voie, changez de mentalité, revenez vers Dieu. C’est exactement ce que signifie le mot grec utilisé dans l’Évangile : métanoeïté : changez de mentalité et revenez vers Dieu.

On ne peut pas en rester au regret, au repentir. Ce sont là de très beaux sentiments,  absolument nécessaires si on veut s’éloigner du mal et revenir vers le bien, mais ils demeurent parfaitement stériles si on ne va pas plus loin. Le regret et le repentir cessent d’être stériles dès qu’ils deviennent chemin vers le changement de mentalité et le retour vers Dieu, vers la conversion. En face du mal et du péché le seul remède efficace, c’est la conversion. Toute autre réaction est inappropriée, qu’il s’agisse de laisser faire, de punir ou même de pardonner. Laisser faire serait catastrophique. Si on laisse faire celui qui agit mal, il en profitera pour recommencer. Punir ? le résultat n’est pas garanti : la punition peut dissuader celui qui fait mal de recommencer, c’est vrai, mais, mal appliquée, elle peut aussi rendre le malfaiteur pire qu’avant. C’est semble-t-il ce qui se passe avec la prison d’où bien souvent, on ressort pire qu’on n’est entré. Pardonner ? Cest très bien et le Christ nous en fait un devoir. Mais pardonner trop facilement peut encourager celui qui fait mal à récidiver. Ni l’indulgence, ni les sanctions, ni même le pardon ne sont, de soi, efficaces. La seule solution vraiment efficace est d’amener celui qui fait mal  à changer, à se convertir. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais être indulgent, jamais punir, ou jamais pardonner. Mais cela veut dire que l’indulgence, la sanction ou même le pardon ne sont des remèdes efficaces que lorsqu’ils nous emmènent plus loin, jusqu’à la conversion.

Eh bien justement, est-ce que nous nous préoccupons de la  conversion qu’il faudrait que nous opérions pour être plus  sérieux dans notre vie de chrétiens ? On a toujours à se convertir. Je crois que très souvent nous sommes capables de regretter le mal que nous avons fait. Je crois que nous sommes  sincères lorsque nous  récitons le « Je confesse à Dieu » au début de la messe ou lorsque, dans une prière personnelle, nous récitons un acte de contrition. Mais  j’ai peur que nous ne pensions pas beaucoup aux changements que nous devrions faire pour être de meilleurs chrétiens. Quand nous allons nous confesser par exemple, nous faisons notre examen de conscience pour nous rappeler les fautes que nous avons commises, les regretter et en demander pardon. Très bien. Mais est-ce qu’il ne faudrait pas aussi chercher quelle conversion nous devons faire, quel changement nous devons opérer dans notre manière de vivre ? Si je rencontrais le Seigneur, -et au fond, c’est bien ce que je fais lorsque je viens me confesser- qu’est-ce que je lui demanderais de m’aider à changer dans ma vie ? J’ai peur qu’on se préoccupe trop des péchés et du passé et pas assez de la conversion et de l’avenir que le Seigneur nous ouvre dans le pardon qu’il nous donne. Et à ce sujet j’aimerais vous raconter deux anecdotes. Savez vous que dire ses péchés a pris une telle importance, qu’il arrive que de bons chrétiens venus se confesser repartent du confessionnal aussitôt après avoir dit leurs péchés sans


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attendre de recevoir le pardon? Et le prêtre ne peut rien faire d’autre que de leur donner l’absolution dans le dos !!! Cela m’est arrivé. C’est tout de même dommage !!!

Autre anecdote. A propos de la pénitence que le prêtre donne au pénitent à la fin de sa confession Un jour, j’étais encore étudiant, j’ai entendu quelqu’un dire  « Oh l’abbé un tel, on lui dirait en confession qu’on a tué trois fois son père et sa mère, il vous donnerait comme pénitence un Notre Père et deux Je vous salue Marie » Je me suis dit : quand je serai prêtre, je ferai attention. Et je fais attention. J’essaie de dire au pénitent après sa confession : »Qu’est-ce qui vous paraît le plus grave, dans tout ça ? A votre avis qu’est ce qu’il faudrait changer tout de suite dans votre manière de faire? » Il me semble que le prêtre peut aider le pénitent à voir ce qu’il doit changer dans sa vie, il peut soit confirmer la décision du pénitent : « Oui, vous avez raison, c’est cela qu’il faut changer tout de suite », soit modifier cette décision si nécessaire : « ce serait peut-être mieux de changer ceci ». Mais il ne peut pas faire plus et  je trouve que c’est à chacun de voir la conversion qu’il doit faire. J’aimerais discuter de cela avec vous. Mais dans le cadre de l’homélie à la messe, ce n’est guère possible. Dommage !

Quand j’ai mal fait, regretter, c’est bien, mais ce n’est pas assez, l’important c’est de repartir désormais du bon pied et si c’est un autre qui a mal fait, c’est mon devoir de l’aider à repartir du bon pied. Si je ne le fais pas, je serai condamné pour ne pas lui être venu en aide, Ezechiel nous le rappelait dans la première lecture et dans l’évangile, le Christ nous demande de tout faire pour gagner celui qui a mal agi, c’est-à-dire pour le ramener dans le bon chemin. Mais, n’oublions pas que nous ne sommes pas seuls dans ce combat. Le Seigneur agit pour transformer nos coeurs et nous rendre capables de changer notre manière de faire. Dans le sacrement de réconciliation, par exemple, le pardon qu’il nous donne, c’est beaucoup plus qu’un coup de torchon qui balaye la saleté. Non seulement il enlève le péché mais il nous transforme « Je vous donnerai un coeur nouveau, un esprit nouveau » (Ez.36,26)  En malgache, on dit qu’il transfère son coeur dans le nôtre.  Ayant reçu le pardon, nous voici renouvelés, rénovés, capables à nouveau de faire le bien

Que retenir de tout cela ?

Lorsque quelqu’un a mal agi envers nous, nous avons le devoir de tout faire pour  le gagner , c’est à dire non seulement l’amener à reconnaître ses torts et à les regretter, mais l’amener à repartir du bon piedDe même nous, quand nous avons mal agi, ce n’est pas  assez de regretter, il faut aller jusqu’à changer notre manière de faire et nous convertir. Le Christ ne se contente pas de prêcher le repentir et le regret de ses fautes, plus exigeant, il nous dit:« convertissez vous », c’est à dire en plus de vos regrets portant sur vos fautes passées, engagez votre avenir dans une nouvelle voie, changez votre manière de faire et revenez vers Dieu.    

Aussi, lorsque nous allons nous confesser, par exemple, veillons à ne pas chercher seulement quels péchés nous devons accuser mais cherchons aussi quel changement, quelle conversion nous devons opérer dans notre vie.  Le Seigneur est toujours prêt à nous donner son pardon par lequel non seulement il efface nos fautes, mais par lequel il change notre coeur, il  transfère son coeur dans le nôtre et nous relance dans une vie transformée, rénovée, rajeunie. Rappelez vous la parabole  de l’enfant prodigue. Cela se termine comment ? Tout le monde fait la fête ! On pourrait peut-être terminer nos cérémonies pénitentielles par un apéritif ou en prenant le café ensemble? Qu’est-ce que vous en pensez ?


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1 réflexion sur “10 septembre 2023 Ennetières”

  1. Cette homélie est très bien car elle est sur le ton dont on parle dans la vie courante.
    Elle amène l ‘assemblée à se poser des questions ,à vouloir changer.
    Nous y découvrons une conception totalement révolutionnaire de la confession.
    Le paragraphe « Que retenir de tout cela? » est très utile .
    L’expression malgache qui dit que le Seigneur transfère son coeur dans le nôtre quand nous recevons le sacrement de réconciliation est très belle, elle nous stimule pour prendre un nouveau départ et repartir tout joyeux !

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