(Sagesse 18,6-9) (Hébreux 11,1-2.8-19) (Luc 12,32-48)
L’évangile d’aujourd’hui renforce l’enseignement de l’évangile de dimanche dernier où le Seigneur critiquait ceux qui ne voient pas que leur avenir s’étend beaucoup plus loin que leur vie ici-bas, mais va jusqu’à tout ce qui suit leur retour auprès du Père après la mort. Aujourd’hui l’évangile nous invite à ne pas nous assoupir dans le train-train de la vie quotidienne, mais à nous tenir prêts pour la venue du Fils de l’homme, d’autant plus que c’est à l’heure où nous n’y pensons pas qu’il viendra. Comme le Seigneur sait bien qu’une telle perspective nous fait peur, il nous rassure tout de suite : sois sans crainte, petit troupeau, votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Autrement dit : rassurez vous ! Il n’y a rien à craindre. Ce que le Père a prévu pour nous, c’est une vie dans la justice, la paix et l’amour dans le Royaume. Et comme pour renforcer cette invitation à la confiance, la deuxième lecture de la liturgie d’aujourd’hui nous donne l’exemple d’Abraham et de Sara. Ils ont osé croire à des promesses très incertaines, Quitte ton pays, ta parenté… pour le pays que je t’indiquerai, avait demandé Yahvé.(Gen.12,1) Abraham est parti dans l’inconnu sans savoir aucune idée de l’endroit où le Seigneur l’emmènerait… Résultat : lui qui n’était qu’un modeste éleveur païen est devenu l’ancêtre de la multitude des croyants répandus aujourd’hui dans tout l’univers. Sara, de son côté, a cru l’incroyable. Elle, une femme, stérile, et qui avait passé l’âge d’avoir des enfants, est devenue la mère fondatrice du peuple immense des croyants.
Mais la venue du Seigneur et notre entrée dans le Royaume peuvent paraître des évènements encore lointains. Aussi l’évangile nous propose-t-il quelques conseils utiles pour nous y préparer dès maintenant en particulier en ce qui concerne l’attitude à avoir devant l’argent. Les propositions du Christ sont radicales : vendez ce que vous possédez et donnez le en aumône. St Pierre qui trouve cela un peu raide demande au Seigneur : une telle consigne, c’est pour nous, tes disciples proches ou pour tout le monde ? Jésus ne répond pas directement à la question mais précise sa pensée en expliquant que dans tous les cas, personne n’est propriétaire des richesses qu’il a entre les mains, il ne peut pas en faire n’importe quoi. Nous sommes seulement des gérants, administrateurs des biens que le Maître nous a confiés pour que nous les partagions entre tous et un jour, nous aurons à rendre compte un jour de notre gestion.
Dans l’Ecriture, la richesse apparaît comme un bien et un don de Dieu qui comble de biens ceux qu’il aime. Abraham était très riche. Isaac et Jacob extrêmement riches, nous dit la Genèse (13,2. 26,12) Sans compter que la richesse est le fruit et la récompense du travail et de l’effort. Mais la richesse apparait aussi comme un bien dangereux, qui peut avoir des effets secondaires négatifs, voire mortels. Si vous êtes riche, votre argent, votre instruction, votre culture qui sont aussi des richesses, vous permettent de vous procurer tout ce que vous désirez. Très facilement, vous en venez à penser que vous n’avez besoin de rien ni de personne, pas même de Dieu. Déjà l’auteur du Deutéronome nous mettait en garde :Quand tu auras vu abonder ton argent et ton or, s’accroître tes biens, n’oublie pas alors Yahvé ton Dieu. Garde-toi de dire en ton cœur :
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c’est ma force, c’est la vigueur de ma main qui m’ont procuré ce pouvoir. Souviens-toi de Yahvé ton Dieu, c’est lui qui t’a donné cette force, qui t’a procuré ce pouvoir. (Deut.8, 12) Les riches, disait le prophète Osée, Leur cœur s’est enflé, c’est pourquoi ils ont oublié Dieu.(13,6) Le Christ lui, est catégorique : Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. (Mt.6,24)Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. Mt.19,24) Donc l’évangile d’aujourd’hui nous dit : Non à l’argent comme maître et idole dirigeant notre vie.
Maintenant en ce qui concerne la consigne de vendre tout ce qu’on possède et de le donner en aumône, St Luc évoque deux manières de faire différentes, l’une obligatoire pour tous les croyants qui consiste à toujours partager ses richesses et l’autre, facultative, réservée à ceux qui font l’objet d’une vocation spéciale et qui consiste à abandonner tous ses biens pour suivre le Christ. Il est évident qu’un père de famille ne peut pas vendre ses biens et les distribuer en aumônes, alors que le Seigneur lui a confié l’entretien d’une famille. De même un chef d’entreprise ne doit pas liquider son affaire et mettre ses employés en chômage, ce serait aller contre la volonté de Dieu qui lui confie la tâche de subvenir à leurs besoins et d’assurer une certaine prospérité autour de lui dans la société. Par conséquent, Oui à l’argent comme moyen pour faire la volonté de Dieu et construire le Royaume.
Il convient de nous garder d’affirmations hâtives selon lesquelles, l’argent, les richesses seraient à damner et la pauvreté à canoniser. L’argent, les richesses sont des biens, des dons de Dieu qui les accorde, cf. la prospérité des patriarches et des rois d’Israël. Mais ils entraînent souvent des effets secondaires extrêmement nocifs, ils nous ferment à Dieu et aux autres, nous enferment dans l’égoïsme et l’orgueil et sont à l’origine de tous les conflits sociaux et de toutes les guerres avec leur cortège de ruines et de morts. La pauvreté de son côté est un mal, on ne la souhaite à personne, mais elle entraîne ses effets secondaires positifs. En nous faisant prendre conscience de notre misère, elle nous invite à rechercher l’aide de Dieu et des autres.
En fait, la richesse comme la pauvreté sont des valeurs ambigues. Elles peuvent être bonnes, et elles peuvent être mauvaises. Tellement, que le sage Agur dans le livre des Proverbes ose dire à Dieu : Ne me donne ni pauvreté ni richesse, laisse-moi goûter ma part de pain, de crainte qu’étant comblé je ne me détourne et ne dise : Qui est Yahvé ? Ou encore, qu’étant indigent je ne dérobe et ne profane le nom du Seigneur. (Prov.30,8)
Que retenir de tout cela ?
L’évangile d’aujourd’hui nous invite à préparer notre avenir et à ne pas nous assoupir dans le train-train de la vie quotidienne. Le Seigneur nous invite particulièrement à nous méfier de l’argent et des richesses. On ne peut pas leur faire confiance. Ce sont des biens que le Seigneur met à notre disposition, mais qui deviennent des poisons mortels dès que nous laissons notre égoïsme et notre orgueil ériger l’argent et les richesses en idoles qui gouvernent notre vie. Ils deviennent alors la cause de tous les conflits et de toutes les guerres avec leur cortège de ruine et de mort.
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Dimanche dernier je vous rappelais cette prière de la messe qui nous fait dire au Seigneur : Tu as créé l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers, afin qu’en Te servant, Toi son créateur, il règne sur la création. Ce qui laisse entendre clairement que nous avons le choix :si nous utilisons l’argent et les richesses qui sont des dons de Dieu selon sa volonté pour construire un monde de paix, de justice et de charité alors nous régnerons sur le monde, tandis qu’autrement nous deviendrons esclaves de notre orgueil et de notre égoïsme dans un monde de conflits, d’injustice et de haine. A chacun de choisir.